Les eaux souterraines de Mormoiron et Bédoin contaminées par les toxiques agricoles

Le journal « Le Monde » vient de publier une carte inter-active de la pollution des eaux souterraines en France. Il a agrégé les mesures correspondant à 300 contaminants (pesticides, nitrates, hydrocarbures aromatiques polycycliquesmétaux, médicaments…) dans 24 700 stations de surveillance.

Mormoiron et Bédoin sont contaminés par les « phytosanitaires » toxiques utilisés par certains exploitants agricoles des deux communes.

Sur les millions de données agrégées pour la période 2016-2023, plus d’un quart (28 %) ont enregistré au moins un dépassement de valeurs seuils liées à des contaminants surveillés par les autorités. Mais personne n’en parle dans les médias institutionnels tant le pouvoir de pression nocif du principal syndicat patronal agricole est à l’oeuvre. Plutôt le profit de quelques-uns que la santé de tous-tes. Telle est la ligne de connivence mortifère de l’alliance des autorités avec le patronat agricole qui n’hésitent pas à déclarer contre toute réalité que « la masse d’eau est en bon état physique ».

Pourtant dans les nappes souterraines de Mormoiron et Bédoin se répandent à tout va l’atrazine déisoprogyl déséthyl, un charmant composé chimique cancérigène pourtant interdite dans l’Union européenne depuis 2003. Un pesticide de la famille chimique des triazines qui à  un effet herbicide. L’atrazine bloque la plastoquinone, un transporteur d’électrons et de protons du système de photosynthèse, inhibant le transport d’électrons.

L’atrazine (1) est l’un des herbicides les plus couramment utilisés par les exploitants agricoles qui continuent à tuer la terre par la chimie des grands groupes de l’agrobusiness alors que le passage aux pratiques biologiques assure tout à la fois la qualité et la protection des sols,des plantes, des fruits et légumes, de la santé de tous, du cadre de vie et de l’environnement, la lutte contre les plantes indésirables et protège l’environnement.

Contaminée et polluée l’eau indispensable à la vie devient un danger

Cette cartographie représente l’état des eaux « brutes », sans évaluer les risques pour la santé humaine. Par ailleurs, elle n’est pas exhaustive : toutes les molécules ne sont pas recherchées de manière régulière dans tous les sites de surveillance. Comme le bisphénol A, certains PFAS ou médicaments: il n’existe pas de valeurs seuils dans les textes actuels. Leur simple présence est, pour le moins, un indicateur de la vulnérabilité des nappes.

Une zone vide dans la carte ne signifie pas non plus qu’il n’y a pas de pollution : certains forages abandonnés, où les autorités ne testent plus la qualité de l’eau, ne sont pas affichés. Par endroits, les points représentant des nappes peuvent aussi se superposer.

« Les actions que nous devons mettre en œuvre maintenant ne verront leurs effets que dans une dizaine d’années, d’où l’urgence de protéger les ressources en eaux souterraines », commente Yves Lévi, professeur émérite en santé publique à la faculté de pharmacie de l’université Paris-Saclay. « Ce serait une catastrophe que le nouveau plan Ecophyto [annoncé par le gouvernement le 6 mai] ne réalise pas une réduction rapide et significative de l’épandage des molécules les plus problématiques », considère Yves Lévi, également membre de l’Académie des technologies et des Académies nationales de médecine et de pharmacie.

Pour le scientifique, « une politique d’appropriation citoyenne et de protection des masses d’eau est indispensable, notamment à l’échelle locale, pour repérer les sources principales de contamination et agir pour les réduire ».

Cancers de la prostate et cancer du sein, baisse de la fertilité masculine

De 2002 à 2006, en France, une vaste étude épidémiologique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), réalisée sur quelque 3 500 femmes enceintes en début de grossesse, avait déjà « mis en évidence que les femmes ayant des traces d’atrazine dans les urines avaient 70 % de risque supplémentaire de mettre au monde un enfant ayant une faible circonférence crânienne à la naissance. Avec, pour conséquence, un moindre développement neuro-cognitif » et « avaient 50 % de risque supplémentaire d’avoir un enfant de petit poids à la naissance ». Le biologiste Tyrone Hayes, de l’université de Berkeley en Californie, une référence mondiale dans ce domaine, est arrivé à la même conclusion que l’INSERM. En 2007, il publie un rapport mettant en cause l’atrazine comme cause potentielle de certains cancers de la prostate et de cancer du sein. Cette molécule semble de plus avoir un effet épimutagène (2)

Certains exploitants agricoles (qui ne sont plus des paysans), biberonnés par les Conseillers Techniques (représentants-vendeurs des produits chimiques) depuis des décennies, ne parviennent pas à sortir de leurs peurs infantiles du manque, de l’idéologie du toujours plus productiviste  et de leur conservatisme fanfaronnant corporatiste. Leur manque d’ouverture d’esprit et de curiosité au vivant et aux pratiques biologiques qui sont pourtant mises en oeuvre autour d’eux, représentent un terrible frein qui impacte tout le monde ainsi que le climat.

Les intérêts particuliers vont-ils encore longtemps dominer l’intérêt collectif et le bien commun? A chacun-e de choisir et d’agir en conséquence.

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(1) L’atrazine a été créée par l’entreprise chimique suisse Geigy en 1958,  plus connue pour être à l’origine de l’utilisation du DDT comme insecticide (notamment en Camargue). En 1970, elle fusionne avec Ciba pour former Ciba-Geigy puis en 1996 fusionne avec Sandoz pour former Novartis qui est à son tour racheté en 2006 par la multinationale états-unienne Hunstman pour la branche colorant textile et en 2008 par la multinationale allemande BASF pour le restant des spécialités chimiques. Le principal producteur actuel est Syngenta né de la fusion de Novartis avec le fabricant du produit « vaccins covid » AstraZeneca.
(2) changement de caractéristique d’un individu selon un mécanisme épigénétique, et non pas exclusivement génétique. Les expositions environnementales à des facteurs tels que les substances toxiques ou la nutrition peuvent avoir des répercussions sur la biologie testiculaire et la fertilité masculine
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sources: https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/05/15/explorez-notre-carte-inedite-de-la-pollution-des-eaux-souterraines-en-france_6233388_4355770.html
et  https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/05/15/comment-le-monde-a-cartographie-la-pollution-des-eaux-souterraines_6233362_4355770.html

 

7 réflexions sur « Les eaux souterraines de Mormoiron et Bédoin contaminées par les toxiques agricoles »

  1. Quand va-t-on enfin appliquer le principe du pollueur payeur et cesser de verser des aides publiques à ces criminels?

  2. Ces pratiques toxiques nocives doivent être interdites pour le bien de tous. Un peu d’humilité de la part des productivistes qui se gavent d’argent public, polluent la planète et nous pourrissent la vie et la santé notamment celles de nos enfants.

  3. Il faut dire aussi que l’utilisation des produits dits phytosanitaires détruit la biodiversité et augmente la crise climatique tout en pourrissant le travail des agriculteurs et agricultrices bio qui respectent la nature et le vivant et entretiennent la terre nourricière.

  4. Pas rassurant du tout cet article !!! Mais il n’est pas signé, c’est dommage… Connaître ses sources, c’est une étape essentielle pour s’informer, étape préalable à toute réflexion, et à toute mobilisation.

  5. Et aussi dans nos ruisseaux ruraux, truites et oiseaux agonisent. La qualité des cours d’eau ruraux s’effondre et entraîne la biodiversité dans sa chute, alerte un rapport du WWF. Plusieurs espèces communes, comme les truites des rivières et les grèbes huppés, connaissent un déclin dramatique. Toujours les toxiques agricoles, herbicides, fongicides, pesticides. En lire plus sur https://reporterre.net/Dans-nos-ruisseaux-ruraux-truites-et-oiseaux-agonisent

  6. « Le sol, volontiers présenté comme matriciel, objet même de l’art agricole, recouvre une opacité opportune. Loin de tous les regards, il a été insidieusement transmué par le modèle agricole occidental dominant en sol-poubelle, où sont enfouis les effluents, où sont présumés se dégrader les résidus de pesticides, et où sont censés se perdre les excès d’épandage de nitrates ou de phosphates. Ce haut lieu de la biodiversité, fondement de toute composante microbiologique du vivant, siège premier des décompositions et des régénérations, lieu de tout enracinement, demeure l’une des faces cachées des réalités agricoles contemporaines, celle d’une réduction à un support-déversoir. » (Jacques Tassin, écologue au Centre de coopération internationale en recherche pour le développement, membre correspondant à l’Académie d’agriculture de France, auteur de « AgriculTerre. Refonder l’agriculture au service de tous » (éd. Odile Jacob, 2024).

  7. 1) En été, la part de l’agriculture dans la consommation totale de notre pays en eau s’élève ainsi à 85 %.
    2) Au plan atmosphérique, l’agriculture productiviste est responsable de 90 % des émissions d’ammoniac, un gaz dont le pouvoir de réchauffement est 300 fois plus élevé que celui du gaz carbonique, et qu’elle est à elle seule responsable de 24 % des émissions totales de gaz à effet de serre.
    3) L’appauvrissement des foisonnements microbiens des sols, par exemple, réduit la porosité de ces derniers et, partant, leur capacité à assurer l’infiltration des eaux de pluie qui, de fait, ruissellent et gonflent à l’automne des rivières en crue. La poursuite de l’arasement des haies se solde quant à elle par un surcroît de lessivage des nitrates et des phosphates, responsable d’une eutrophisation des eaux qui se solde elle-même par des pullulations d’algues et de plantes aquatiques rendant les voies d’eau non navigables, loin, parfois très loin des terroirs agricoles.
    4) Les incidences liées aux effets de la production intensive chimique du « panier moyen alimentaire » des foyers (source FAO Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) sur la santé humaine et sur l’environnement : l’agro-industrie responsable de la situation se décharge de sa prise en charge, désormais c’est aux collectivités, et donc aux citoyens, d’absorber ces coûts cachés.
    5) Pour obtenir une calorie alimentaire, il faut dépenser 5 à 10 calories issues de l’utilisation des énergies fossiles.
    6) Ce que 400 à 500 générations de paysans avaient patiemment mis au point depuis l’essor du Néolithique, jusqu’à créer empiriquement 150 000 variétés de riz en Asie, quelques décennies à peine de modèle agricole occidental dominant l’ont anéanti selon une effrayante condescendance.
    7) En France, 85 % des variétés végétales et animales domestiquées ont disparu dans le même temps, et ce déclin atteint même 96 % pour les pommiers, largement remplacés par les variétés Golden Delicious, Granny Smith ou Idared, toutes issues… des États-Unis.

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