Face à la loi Duplomb, ces betteraviers bio montrent qu’un autre modèle est possible

Les mesnonges de la FNSEA et des J.A: les toxiques agricoles ne sont pas indispensables. Il faut simplement réfléchir et comprendre la nature.Présentés comme indispensables à la culture de la betterave par les soutiens de la loi Duplomb, les néonicotinoïdes n’ont pourtant jamais fait partie de l’arsenal de Clément et Élodie, agriculteurs bio dans l’Aisne.
Dans leur champ de betteraves sucrières, pris en sandwich entre deux parcelles de maïs vigoureux, Clément et Élodie Lemaire contemplent, ravis, les rangées de feuilles charnues qui se déclinent en camaïeux de vert. Sous les feuilles en panache, les betteraves sucrières, couleur craie, poursuivent leur croissance jusqu’à la récolte de septembre. Sauf peut-être celles au feuillage jauni et cramoisi, qui boudent un peu au milieu de cette marée verte.

Les mensonges de l’agro-business, de la FNSEA/J.A

Les plants abîmés sont victimes du virus de la jaunisse (Closterovirus flavibetae), transporté d’une plante à l’autre par diverses variétés de pucerons, contre lesquels les soutiens de la loi Duplomb ne voient qu’un remède : l’acétamipride, pesticide interdit en France depuis 2018 et présenté comme indispensable aux betteraviers malgré ses dangers pour la biodiversité et la santé humaine. Pourtant, certains producteurs, comme Clément et Élodie, se sont toujours très bien passés de ce néonicotinoïde, comme des autres produits phytosanitaires.

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« Fin mai, sur certaines betteraves, j’ai bien vu plusieurs centaines de pucerons par plante », raconte Clément en montrant une photo de ses tubéreuses prises d’assaut par des colonies de pucerons. Mais le jeune cultivateur n’a recouru à aucune molécule chimique pour protéger ou booster ses betteraves, dont il produit 600 à 1 000 tonnes par an : depuis les semis de mars, il a simplement désherbé mécaniquement sa parcelle et laissé faire la nature. Les coccinelles présentes se sont repues des pucerons noirs agglutinés sur les plants. « Si on laisse de la place aux prédateurs du puceron, tout se passe bien », dit-il.

Sans l’acétamipride, la filière sucre s’effondrerait en France, affirment pourtant ses soutiens. Laurent Duplomb, le sénateur (Les Républicains) à l’origine du texte, dénonce même une « concurrence déloyale », le néonicotinoïde étant autorisé dans les autres pays de l’Union européenne.

Se passer de l’arsenal chimique

Les mesnonges de la FNSEA et des J.A: les toxiques agricoles ne sont pas indispensables. Il faut simplement réfléchir et comprendre la nature.Clément et Élodie vivent très bien sans, dans leur ferme de 240 hectares de Dizy-le-Gros (Aisne), où se côtoient quatorze cultures : de la luzerne, du blé, de l’épeautre, du colza, des lentilles, des pois… Bref, un petit havre d’autonomie alimentaire converti en bio, dès son installation en 2017. Le champ compte quelques chardons, des adventices, mais aussi des abeilles, des coccinelles, des vers de terre et pas mal d’insectes rampants.

Clément a abandonné sa carrière tranquille d’informaticien pour reprendre cette ferme à la suite de son père, partisan de l’utilisation de produits phytosanitaires. Son épouse, Élodie, a renoncé à son travail d’opticienne pour se former à l’entrepreneuriat agricole et l’accompagner dans cette aventure.

Clément a souvent discuté avec son père — mort d’un cancer du pancréas — de son passage en bio. « Cela ne lui plaisait pas forcément, il avait du mal à changer ses habitudes. Pour lui, comme les produits phytos faisaient du bien aux plantes, ils faisaient forcément aussi du bien aux hommes. »

Une coccinelle, qui se nourrit des pucerons transmettant la jaunisse aux betteraves. Les biocides, engrais et autres produits phytosanitaires avaient toujours eu droit de cité sur l’exploitation. Clément se souvient d’un père obligé de se dévêtir avant de rentrer à la maison après les aspersions de produits, d’un grand-père pratiquant les mélanges dans les cuves à mains nues ou du scaphandre requis pour traiter ses cultures…

Pour lui, impossible d’utiliser tout cet arsenal chimique. « Je préfère essayer de comprendre comment ça marche, pourquoi telle ou telle culture a des problèmes, plutôt que d’appliquer des recettes toutes faites. » « D’autant que tu n’aimes pas faire la cuisine ! » rigole Élodie.

Une betterave récoltée dans le champ bioPlutôt que des pesticides, le salut des producteurs pourrait d’ailleurs venir des betteraves elles-mêmes. « La filière sera beaucoup plus sereine quand les semenciers mettront sur le marché des variétés moins appétantes pour le puceron  », estime Fabienne Maupas, directrice du département scientifique de l’Institut technique de la betterave. Car au-delà du recours aux produits phytosanitaires, la filière betteravière travaille également sur la mise au point de variétés plus résistantes aux pucerons et aux virus. Un travail en cours qui va se poursuivre encore quelques années.

Lire aussi : Loi Duplomb : les alternatives à l’acétamipride existent

« Pourquoi rien n’a été mis au point avant ? » s’étonne Clément, alors que la question des néonicotinoïdes agite le secteur depuis des années. Peu importe les prochaines variétés, le couple — qui a signé la pétition contre la loi Duplomb — se sent léger et droit dans ses bottes en caoutchouc : « Nous, dans ce débat, on n’a plus à se poser de questions. On a appris à faire sans et puis c’est tout. »

 

3 réflexions sur « Face à la loi Duplomb, ces betteraviers bio montrent qu’un autre modèle est possible »

  1. Rappelons que l’INRA et l’ANSES ont publiés depuis déjà plus de 5 ans des rapports indiquant qu’il existe des alternatives aux produits toxiques tant voulus par les exploitants agricoles et la FNSEA au détriment des autres agriculteurs notamment bio.
    Mais la première disposition est de faire preuve d’intelligence et non de viser uniquement le profit financier en méprisant la terre et les populations. Ainsi: regarder la parcelle et celles alentour, voir les attaques potentielles de prédateurs et évaluer s’il il faut intervenir (et non balancer à tout va des produits chimiques sur simple alerte « météo » tout au long de l’année), nourrir la terre et l’enrichir de compost et fertilisants naturels (et non chimiques tueurs de toute vie), ne pas sous-soler et faire alors remonter les couches inférieures mais simplement griffer la terre pour qu’elle respire et que la micro-faune se développe, laisser des rangs enherber pour permettre le développement des insectes consommateurs (par exemple : coccinelles) de prédateurs (style pucerons, punaises,…), semer des plantes ( trèfle, facélie, bourrache,…) pour attirer les insectes polinisateurs, entretenir ou replanter des haies vives qui favorisent le développement des nidifications d’oiseaux gros mangeurs d’insectes agressifs pour les plantations, hors cultures pérennes pratiquer l’alternance de production de légumes d’une année sur l’autre, en culture pérenne laisser enherber un rang sur deux, si besoin de trairer: utiliser les produist que la nature met à notre disposition (argile verte, savon noir dilué, huiles essentielles, coquilles broyées d’oeufs,…).
    Vivre avec la nature et les plantations et non contre, réfléchir, observer, analyser, échanger avec les autres agriculteurs sur leurs pratiques différentes (notamment bio) puis décider et agir. Mais surtout pas l’inverse comme le font les productivistes sous influences de l’idéologie de marché et des gros bonnets de l’industrie chimique..
    Il est temps que les exploitants agricoles redeviennent ou deviennent des paysans et des agriculteurs en osmose avec la nature et les éléments naturels, et abandonnent définitivement le langage capitaliste réducteur et standardisé de « produits » pour leurs cultures: non nous ne produisons pas des produits mais des fruits et légumes, des plantes aromatiques, des céréales, des ingrédients,…

    voir aussi: https://www.generations-futures.fr/publications/neonicotinoides-et-aliments/

  2. Il faut tout reprendre à la base et notamment l’enseignement agricole conçu et soumis au productivisme agricole et aux lobbys de l’agro-chimie. Inverser les cours et démonstrations qui ne visent qu’à formater les esprits des jeunes (lycée agricole) et des moins jeunes (CFPPA) dans la course au toujours plus, à la rentabilité immédiate, à l’utilisation des molécules chimiques (la « bible » avec le nom scientifique et les noms commerciaux des stés chimiques, le dosage d’épandage des produits à l’hectare, les périodes de pulvérisations à chaque saison sans que la parcelle ne présente forcément un risque de prédateurs et de maladie, l’investissement initial et la rentabilité à l’ha suivant le choix de faire telle ou telle culture,…). Formatage productiviste et chimique en forgeant les esprits à la garantie d’aides annuelles permanentes de subventions publiques (l’argent des contribuables) de la part du gouvernement comme de l’Union Européenne, le conditionnement mensonger idéologique de « vous nourrissez les français » alors que pour certains exploitants agricoles près de 50% sont produit uniquement pour le business de l’exportation. La certitude pour chaque exploitant agricole qui suit bien la démarche productiviste à outrance de devenir de plus en plus gros, d’agrandir son patrimoine foncier en bouffant les plus petits (les paysans) et détruisant les haies vives naturelles, et immobilier (en retapant ou construisant des gîtes à touristes) et matériel (achats à outrance de pikup, de quad, de motos 3 roues, etc…) permettant de parader dans les villages et villes alentours pour afficher sa belle réussite sociale.
    Puis ils iront tout fier faire le coup de fusil avec leurs clones chasseurs contre les cochons sauvages ou perdrix d’élevage (contre lesquels, après les avoir engraissés, ils protesteront contre les dégâts qu’ils engendreront sur leurs cultures en demandant encore et encore à l’Etat des aides finnacières) en pourissant les balades des promeneurs et des familles, parfois en tuant l’un d’eux par « erreur » tant ils sont dans la pulsion.
    Lorsque vous aurez affaire aux « jeunes agriculteurs » de la FNSEA et au plus anciens de la FNSEA souvenez-vous que vous ne parlez pas à des paysans mais à des chefs d’entreprises conditionnés, mus par la logique capitaliste de prédation et de domination du vivant.
    Certains ne savent même plus regarder leur terre, la nourrir correctement, évaluer le risque sur les cultures, réfléchir aux meilleures solutions naturelles mais sont devenus des robots sortant avec leur pulvérisateur chimique au moindre sms ou mail reçu de l’autorité supérieure météorologique, ne sachant plus que de réclamer de la collectivité des subventions (pour le gel, pour la canicule, pour l’inondation, pour les ravageurs,…).
    Sans même évoquer l’exploitation parfois odieuse des travailleurs saisonniers agricoles venus d’Espagne, du Maroc, et autres pays ou régions de France (mais rassurez-vous ils voteront aux élections pour la droite et l’extrême-droite en éructant leur discours raciste).
    Nous avons là la plus belle escroquerie légale d’assistanat patronal au bénéfice des exploitants agricoles dans l’exploitation du vivant (êtres humains et nature). Alors que le métier de paysan et agriculteur est l’un des beau métier de ce bas monde: ils le salopent.
    Affichettes:
    leurs profits font nos cancers
    toxiques agricoles= cancers

  3. 400 grands chefs cuisiniers s’engagent contre la loi Duplomb (sénateur, exploitant agricole « Les Républicains » de Haute-Loire) et contre une nourriture « dopée aux pesticides ». « Aujourd’hui, nous sommes inquiets, écrivent les auteurs. Inquiets de l’avenir de notre alimentation qui subit de plein fouet la crise climatique et la biodiversité. Inquiets de la hausse effrayante des cancers. Inquiets de la qualité des produits que nous servons, qui ne semble que se détériorer, ces derniers contenant toujours plus de résidus de pesticides. » Et d’ajouter cette punchline : « Nous faisons ce métier pour nourrir, pas pour empoisonner. ».
    « Comme grand nombre de chefs, j’ai maintenant la chance de pouvoir sélectionner des produits sains. En revanche, les écoles, les hôpitaux et les ménages les plus précaires n’ont pas ce luxe. Eux sont obligés de se tourner vers une nourriture dopée en pesticides. »
    lire l’article complet: https://reporterre.net/Grands-chefs-cuisiniers-ils-s-engagent-contre-la-loi-Duplomb

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